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Formatage du disque dur

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Avez-vous remarqué que le jour où nous ne regardons que le but, c’est-à-dire, pour nous facteurs, la dernière porte de notre route, ça n’avance jamais à notre goût. Depuis que j’ai passé par la route 1 de la succursale Snowdon (qui était surévaluée), j’ai cessé d’être continuellement pressé d’atteindre ma dernière porte. 

De toute façon, il m’était littéralement impossible d'atteindre des scores raisonnables, et encore moins de concurrencer qui que ce soit sur l’heure d’arrivée à la succursale. J’ai donc pris la décision de formater mon disque dur de facteur une fois pour toutes. Dès lors, j’ai adopté une toute nouvelle attitude et entrepris de savourer chaque chose que je rencontrais sur mon chemin. Prendre plaisir à chaque pas que je faisais devenait en soi ma destination. J’aurai au moins appris une manière de marcher où toute place est bonne pour nous arrêter. L’excursion la plus intéressante est celle où le panorama change constamment. Nous devons l’apprécier comme une expérience unique. Ça me rappelle un passage d’une livre d’Hermann Hesse, L’art secret de voyager. Le passage en question se lit comme suit : «Pour les yeux seulement pressés d’apercevoir le but. La douceur du vagabondage ne peut être appréciée. […] Tout ce magnifique spectacle qui nous attend tout au long du chemin nous reste, hermétiquement, clos.» C’est la même chose sur notre route de facteur. Mais encore faut-il être en mesure de le voir, ce panorama. Il est facile de faire le parallèle avec notre manière de vivre notre quotidien.
 
Je me souviens des propos de quelques anciens de la succursale à mes débuts. Eddy, Mémène Perreault et quelques autres. Ils me mettaient alors en garde sur le fait de vouloir toujours aller plus vite pour faire mon parcours. Avec du recul, je pense leur avoir emprunté quelque chose et je n’ai pas honte de l’admettre, ils avaient raison sur toute la ligne. J’espère seulement pouvoir ajouter mon nom à ce beau tableau de facteurs matures distribuant des conseils qui n’ont pas de prix. Un jour peut-être, vais-je faire réfléchir les apprentis facteurs fougueux et inconscients en voie de de se nuire à eux-mêmes et à leurs confrères et leurs consœurs... 

Il est bien certain que la pression patronale a toujours joué un rôle déterminant dans ce processus. Les patrons sont contraints de faire la discipline sur quelques-uns pour rester crédibles aux yeux de leurs supérieurs hiérarchiques. J’en ai vu pas mal de ce côté-là aussi. Certains individus sans scrupule qui ont tout simplement décidé d’oublier le côté humain, laissant échapper le délicieux ricanement qui leur sert de rire et d’arborer un sourire teinté de mépris devant un jeune facteur sur le point de se dégobiller les tripes. La plupart de ces jeunes avaient de grandes espérances qui se sont subitement transformées en amères désillusions. Facile le travail de facteur? Venez juste essayer pour voir…

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