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Cela vous est sans doute déjà arrivé à un moment donné de devoir endurer les propos d’une personne en attente dans la même file que vous. Comme de raison, dans cette situation, Murphy s’amuse à étaler en long et en large tout son talent et par conséquent sa loi pourrie pour ainsi veiller à ce que la file en question n’avance qu’à pas de tortue, histoire de faire durer interminablement ce délicieux supplice. 

Cela m’est encore arrivé dernièrement. Bien planté derrière un abruti, j’étais dans les loges pour contempler l’étendue de son talent d’orateur, mimiques et grands gestes inclus dans le prix du billet. Débattant de grands dossiers de l’actualité, il vociférait à qui mieux mieux. Un débat qui prenait généralement des airs de monologue, car son compère y allait simplement de hochement de tête en signe d’approbation, à la manière d’un bobble head dansottant et hypnotique. De temps à autre, le visage de ce dernier prenait une expression sérieuse, parfois presque triviale, convaincu de la véracité et surtout de l’utilité des propos gangrénés de son voisin. Loin d’avoir l’effet similaire sur moi, j’étais de glace, aucun rictus, pas même du coin des lèvres, tout à fait stoïque. L'homme m’apparaissait plutôt comme un parvenu sans envergure, une sombre brute quoi… Un défilement de phrases aux qualités semblables clopinait allégrement dans mon crâne lorsque mon regard se portait sur lui. Ce genre de baratineur vaniteux m’est pitoyable. Il a une de ces manières prétentieuses de mâchouiller ses opinions qui n’ont pourtant rien de neuf à livrer. Que du réchauffé. Imbu de sa personne jusqu’au bout des ongles, ça se voit. Qui plus est, il se pavane et tente de nous faire croire qu’il a été mis à l’écart de toute la poussière du monde.

 

Manifester par des plaintes et des récriminations, c’est déjà difficile à supporter en temps normal pour moi. Et lui en remettait, éclaboussant sans vergogne les gens de ses propos bidon. Au moins, s’il avait eu une élocution décente... Oh que non!Il se permettait même de mutiler sans pitié la belle langue qui est la nôtre, ayant un semblant d’éloquence qui me pue carrément au nez. Cette race d’individu remporte la palme de la bêtise humaine et chose certaine, elle occupait le plus bas degré de mon échelle de valeurs à ce moment précis. J’écoutais ce vantard se faire aller la grande gueule, quand une amertume aussi mordante qu’une brise glaciale envahit subitement mon âme. Il faillait absolument que je débarrasse le plancher, mais je ne pouvais pas risquer de perdre mon rang et ainsi gaspiller l’attente déjà durement acquise. Je devais au moins trouver une occupation futile capable de déloger les pensées contaminées qui m’accablaient. Je dois l’avouer, ce fut un exercice intellectuel d’une exceptionnelle difficulté. Tout ce que cet enfoiré a réussi à faire, c’est de coller des étiquettes un peu partout dans la tête de son voisinage immédiat. Des étiquettes répondant à ses standards plus que douteux venant d'un cerveau ramolli.

 

J’ose espérer que ça n’a pas fonctionné sur chacun d’entre nous. Nous avons assez des lignes ouvertes de la radio pour faire ce travail sordide. Ce fut une demi-heure de lavage de cerveau imposé et sans relâche qui m’en a paru le triple. Voilà une autre preuve irréfutable que je suis mûr pour la campagne, les arbres sont beaucoup moins râlants. Prochain coup, je renouvelle mon permis par le web, je vous en passe un papier!

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La grande gueule

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