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Trop de vinho tinto

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S’y trouvait réunis les mêmes réguliers, tous des amoureux de la grappe. Titre que nous défendions avec une ardeur et un panache assez maintenus ce soir-là. Notre hôte, impeccable à son habitude, nous versa respectivement une rasade de ce superbe liquide, couleur rubis, duquel semblaient jaillir des perles scintillantes. Peut-être dégusté un peu tôt dit un panéliste. Effectivement, ses arômes jeunes ont besoin d’être arrondis par le temps, approuve notre hôte. On pris des notes sur les possibilités évolutives du vin goûté. Puis arriva le suivant qui se fait délester de son liège dans un grand « pop » prometteur.

Très belle robe d’un grenat profond. On huma longuement le liquide après l’avoir fait tourbillonner élégamment dans sa coupe… Puis le porta à nos lèvres pour en siffler un petit trait distingué. On le fit circuler en bouche, prenant soin d’y faire pénétrer un peu d’air pour qu’il puisse prendre toute son expansion adéquatement. Les comparaisons de cépages identiques entre les vins sud-africains et les vins français se succédèrent ainsi pendant la soirée. Un rythme pas trop rapide, mais constant. Pourtant, nous avons sournoisement été aplatis. Plus la soirée avançait, plus mes camarades de dégustation et moi devenions graduellement tristes à voir, lourdement affaissés sur nos chaises. On semblait retourner à l’état bestial de l’homme. Je dirais que notre état ne se situait pas loin du Neandertal. D’ailleurs, nous utilisions un langage qui s’apparentait aux leurs. Des éclats de voix incontrôlés et sonores pleuvaient à gauche et à droite, laissant dans leurs sillages des rires cinglants et une succession d’actes déplacés.
 

Tout à coup, notre hôte n’était plus du tout fier de ses ouailles amateurs de vin. Il déambulait lourdement autour de la table, aussi furtif qu’un rhinocéros traqué, le visage fermé, d’une humeur massacrante. Animé de ce faciès diabolique et résolu à emporter ce secret dans l’éternité, il ne laissa pourtant échapper aucun mot. Même si ce chaos perpétuel le ramenait d’un coup à la réalité sordide du contexte. Devant ce triste spectacle, il se contentait de marmonner des syllabes incompréhensibles. Probablement sur la manière dont se déroulerait sa prochaine dégustation. Cela en supposant qu’il soit encore partant pour réitérer l’événement. Pour lui, il n’y avait aucune espèce d’échappatoire possible, hormis de feindre par le silence du moment. Il ne pouvait qu’attendre jusqu’à ce que nous retrouvions un minimum de bon sens. Tout compte fait, il aurait sans doute préféré ne pas en arriver là, mais il était évident que le mal était fait. Devait-il proposer d’étendre son hospitalité jusqu’à nous héberger pour la nuit ? Dieu sait que plusieurs auraient dormi comme des loirs, un peu partout dans sa demeure comme de vrais ours en hibernation, la bouche grande ouverte. Voyant très bien le portrait dans sa tête, il décida que cette option était déplaisante et donc hors de question. Plusieurs minutes s’écoulèrent, des bouchées de pain étaient offertes pour tenter d’imbiber tout cet alcool. Bien insuffisant pour raviver en nous ne serait-ce qu’une minime trace de décence. Malgré cela, chacun se considérait apte à prendre la roue pour le retour à la maison. On se demande ensuite comment en 2016, peuvent encore survenir les drames d’accidents mortels de la route figurant trop souvent dans les journaux.

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