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L'ermite

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Je le croise matin après matin, en fait je passe devant la fenêtre de son logement au cours de mon itinéraire quotidien de travail. Nourri d’une curiosité presque obsessive, j’y jette un œil à chaque fois pour voir s’il s’y trouve toujours. Vu la saleté du panneau vitré, je ne distingue que le contour de sa silhouette dessinée par la lueur d’une lampe continuellement allumée au-dessus de lui. Un homme assis à une table, son regard fixe semble perdu dans les tréfonds de son âme. Visage sans relief ni couleur, habité d’une sorte de néant. Cependant, la solitude ne semble pas le faire souffrir. Ses yeux froids semblent indifférents à tout chagrin. Résigné ou béat? Je ne suis pas en mesure de le dire formellement vu le manque de netteté des traits.. C'est facile.

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Néanmoins, cet être humain me chicote l’esprit, il provoque de nombreux questionnements en moi. Est-ce un dévot qui est à la recherche de l’illumination, croyant détenir un pacte tacite avec l’univers? Pacte qui le dispenserait de devoir se joindre à cette société qui bourdonne autour de lui? Pourquoi demeure-t-il dans cette oisiveté perpétuelle jour après jour? Peut-être qu’en des jours lointains, il avait désiré bien des choses, mais que maintenant il ne convoitait plus rien? Cela lui permet ainsi d’être capable de vivre uniquement dans le présent, sans retours en arrière ni projections dans le futur comme le faisons la plupart d’entre nous?  Est-il de ceux qui ont cessé de s’apercevoir des bonnes choses de la vie, ou est-il tout simplement en symbiose avec elles dans un monde que je ne suis moi-même pas en mesure de comprendre?
 
Que de questions sans réponses, aucune certitude n’émane de mes constats. Que des hypothèses, chacune non fondée de surcroît. Ma route continue de croiser la sienne, chaque matin je tourne le coin de sa rue et passe devant son univers sans que l’homme n'y prenne garde. Pour lui, tous les jours sont ainsi semblables. En est-il bien différent de ma vie, si ce n’est que d’être bien enclenché sur les rails du capitalisme? Nos roues tournent sensiblement de la même manière, c’est-à-dire dans un quotidien plutôt redondant, qui égraine au passage nos années d’existence terrestre. 
Cela me rappelle un passage que j'ai lu récemment qui disait : «Tout le monde croit savoir exactement comment nous devrions vivre. Mais, jamais personne ne sait comment il doit lui-même vivre sa propre vie.»

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La méditation de cette pensée en vaut la peine, je vous laisse la mijoter...

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