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Je n'aime pas le lundi

Ce matin, neuf ou dix lignes griffonnées tentent  de remplir ma feuille : cet état de choses est fréquent quand le moteur  de mon inspiration est à plat. Plus tôt, lorsque le point du jour détacha le rectangle de ma fenêtre de chambre dans une tentative de lueur matinale, je m’étais dit : voilà un jour qui sera différent des autres ! Ce réveil mettait pourtant un terme à une nuit où le sommeil n’était que partiellement au rendez-vous. Reprenant ma contenance, j’embarque dans le train-train de mon quotidien routinier. Déjeuner accompagné de l’essentiel : un café bien corsé. Puis cette feuille, quasi vierge, toujours là devant moi à me narguer. Trop d’insistance vaine, je lâche prise et prends finalement le chemin du boulot.

Ce lundi triste, comme tant d’autres, porte les couleurs de Londres, soit pluie et grisaille. Surtout ici, avec comme toile de fond l’interminable ciment de l’autoroute Décarie. Le jour semble vouloir garder la couverture sur la tête afin de poursuivre la nuit. Prêt à entreprendre ma tournée de livraison, je traverse le viaduc qui me donne une vue d’ensemble de la cohue matinale qui défile sous mes yeux. 9H00 pile, la circulation en mode frein, un immense stationnement à perte de vue. D’un côté les phares aveuglants, de l’autre les feux arrière entourés de halos écarlates. Au milieu de ce trafic insipide, le quartier paraît encore plus décrépit et opaque qu’à l’accoutumée. Ce sont ces lundis pluvieux qui inspirent en chacun de nous une horreur presque pathologique. Il est déjà difficile de reprendre le collier après les deux minces jours de repos alloués, pourquoi faut-il  de surcroît se frotter à ce statu quo impromptu? Les lundis devraient être défendus, bannis à tout jamais…
 
Dans les voitures, les visages sont longs, les conversations absentes. Pour cause, la plupart d’entre eux sont déjà en retard pour le boulot. Pas la meilleure façon de commencer la semaine. Nul besoin de chercher longtemps pour savoir d’où provenait l’inspiration de Bob Geldof lorsqu’il a composé; « Tell me why, I don’t like Monday! », chanson de son groupe les Boomtown Rats... sans aucun doute de l’un de ces lundis sombres.

 

Pour ma part, je commence ma livraison, probablement le seul à avoir le cœur en fête. Foncièrement joyeux, par l'ordre de ma nature, mais avouons tout de même que mon travail y contribue grandement. Je fais le plus beau métier du monde : je suis un facteur urbain. Au fait, pourquoi ce jour fut-il différent des autres? Simplement parce que c’est celui qui m’a donné l’idée de pondre ma première chronique à vie. 

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