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Le meilleur ami de l'homme?

Je tourne le coin fatidique, je sens sa présence sournoise. Est-il terré là, derrière la haie à son habitude? Seul ce buisson nous sépare. Chaque matin, le scénario se répète. Je suis sur mes gardes. Peut-être est-il là, encore prêt à bondir sur moi. Je ralentis le pas sachant qu’il détient certains avantages sur moi : vitesse, olfaction et audition bien acérées. De mon côté, la défensive est prête, poivre de Cayenne d’une main, poignée de courrier bien serrée de l’autre. Y aura-t-il affrontement ce matin?

C’est une bête fabuleuse selon les dires de tous. Cet animal porte même dans le sang une tradition d’excellent chasseur. De race pure, doté d’un instinct indéniable, je le sais fièrement capable de défendre son espace territorial. Je garde d’ailleurs les traces psychologiques de nos dernières rencontres, ce qui provoque de drôles d’interruptions dans mes séquences respiratoires à l’approche de son domicile.
 
Son maître ne le reconnaît pas quand il est en ma présence. Ce beau toutou aime tout le monde, selon lui. Pourtant, ce guerrier canin hait tout ce que je suis, chacune des molécules qui me composent avec une énergie palpable et évidente. Qui plus est, cette bête ne tolère aucune de mes intrusions matinales sur ses terres. Cela, en dépit du fait qu’elles sont essentielles pour les siens. D’emblée, il me le fait savoir bruyamment au travers du châssis. Nos regards se croisent. Aujourd’hui, il n’y aura pas de combat et il en est furieux. Ce n’est que partie remise, à voir l’apparition de ses crocs jaunâtres. Je sais que tant que je porterai cet uniforme nos rapports ne seront jamais harmonieux. Hormis le fait que je me tape une pareille frustration chaque matin, ces incidents ont l’heur de provoquer une certaine réflexion. Je me dis que les chiens ont souvent l'air misérable dans un espace urbain où leur vie se limite à une attente interminable, la truffe humide bien collée à la fenêtre.

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Il ne faut pas se méprendre, j’aime bien les poilus, membres de la communauté canine. Et, il y a certes quelque chose de bon à tout cela; je me dis que j’aurai des chiens seulement quand je serai à la campagne, en fin de carrière. Ils pourront ainsi courir comme bon leurs semblent… après les marmottes, écureuils et rongeurs de tout acabit. Mais une chose est certaine, je veillerai personnellement à ce qu’ils laissent le facteur tranquille.

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