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Ma Dalton

Cette chronique concerne une de mes clientes en particulier. Une petite bonne femme d’un âge assez avancé qui me fait beaucoup penser à la mère des célèbres frères Dalton. Sortie tout droit de la BD de Lucky Luke, ma Dalton n’était pas réputée pour être très souriante. Et tout comme la vraie, ma Angela (c’est son prénom) a une bouille sévère qui n’a d’égal que son vilain tempérament et son humeur habituellement grognonne. Je crois à la lumière de son accent un peu carré qu’elle puisse être originaire d’un pays de l’Est, la Roumanie peut être ou un autre état slave. Je ne sais trop.

Dans la vie, notre petite dame au visage de glace est gérante et responsable de plusieurs immeubles à logements. Peut-être même en est-elle la propriétaire. Quoi qu’il en soit, elle m’apparaît comme une intermédiaire dure en affaires.   La petite dame au dos arqué conduit une grosse bagnole américaine dans laquelle on ne lui voit que le bout de la tête qui dépasse du tableau de bord. Elle recule son mastodonte sans trop regarder, sur sa rue qui s’avère être très passante. Cela ne ralentit jamais ses ardeurs. Les klaxons retentissent à tout coup sans que cela l’affecte dans ses élans. Elle gesticule un peu, puis récrimine pour bien leur faire comprendre qu’ils sont les fautifs, pour finalement prendre le chemin de ses obligations quotidiennes.

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En période de renouvellement de bail locatif, nos rencontres sont plus fréquentes. Avec son accent saccadé, elle m’appelle son porteur de mauvaises nouvelles, étant donné que la plupart des envois recommandés contestent probablement ses augmentations de loyer. Lors de cette période, les lettres se succèdent chez elle à un rythme fou. Néanmoins, je ne crois pas que toutes les jérémiades de ses locataires ne puissent l’émouvoir. Sans doute endurcie par un régime communiste, comment en serait-il autrement? Si elle était à la tête d’un cartel mafieux et illicite, cela ne me surprendrait guère. Un vrai petit bout de dynamite du haut de ses quatre pieds et quelques. En fait, peut être que c’est tout simplement mon imagination qui est trop fertile, mais je la crois tout de même  capable de mater les plus gros fiers-à-bras.

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Une chose est certaine, elle a quelque chose d’attachant, cette dame. Je réussis parfois à lui soutirer un semblant de sourire. Son visage explose alors. Sa peau de jute prend des allures de lin raffiné. Malgré nos moments de liesse (trop éphémère),  le lendemain l’accueil reste implacable, tout est oublié.

 

Sa première phrase d’entrée de jeu en ouvrant la porte : « Pas enkore toi !!! » 

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